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Faut-il vraiment davantage protéger les travailleurs?

Cette opinion a été publiée dans L'Echo le 12 mai 2022

https://www.lecho.be/opinions/general/faut-il-vraiment-encore-davantage-proteger-les-travailleurs/10387456

La réforme du marché du travail

Le gouvernement a l’intention de réformer le marché du travail. Cette réforme est d’autant plus nécessaire qu’une flexibilité accrue s’impose tant pour les employeurs que pour les travailleurs. L’idée consiste donc d’une part à mieux concilier travail et vie privée, mais aussi à s’adapter aux nouvelles réalités du marché. Or, les efforts du gouvernement, et en particulier du ministre Dermagne, semblent se focaliser de plus en plus sur un élargissement de ces droits, notamment sur le renforcement de la protection du travailleur, sans prendre suffisamment en compte cet équilibre nécessaire.

Différents projets de loi sont actuellement sur la table en matière de protection contre le licenciement. L’un d’eux prévoit que les travailleurs bénéficient d’une protection contre le licenciement lorsque celui-ci est inspiré par le fait qu’ils auraient un jour demandé à pouvoir travailler de manière plus flexible, ou à obtenir un régime de travail plus prévisible. La charge de la preuve incombe à l’employeur.

Chacun a le droit de solliciter davantage de flexibilité, tout comme chaque employeur a le droit d’accepter ou de refuser une telle demande. Nous ne comprenons pas en quoi une discussion sur la flexibilité devrait déboucher sur des protections supplémentaires contre le licenciement.

Prolifération de protections contre le licenciement

Les protections contre le licenciement sont déjà légion. Aux délais et indemnités de préavis s’ajoutent la protection contre la discrimination, celle contre le licenciement lié au recours aux congés thématiques ou au crédit-temps, au congé-éducation ou au congé politique et aux remarques émises dans le cadre de la procédure d’établissement du règlement de travail.

 Les projets de loi y ajoutent donc encore une protection supplémentaire contre le traitement défavorable, en cas de demande de mesures de flexibilité à des fins de soins médicaux, de non-reconduction d’un contrat à durée déterminée en cas de grossesse ou de naissance, de non-respect des droits du travail acquis, sans oublier la protection des témoins et des lanceurs d’alerte.

Pourquoi nous sommes opposés à cette approche

Il s’agit là d’une prolifération de protections contre le licenciement qui ne peut qu’obscurcir la relation entre employeur et travailleurs.

Premièrement, il est exagéré de penser qu’un employeur licencierait une personne jusqu’à plusieurs années plus tard pour le motif que celle-ci aurait un jour demandé à pouvoir travailler de manière plus prévisible.

Ensuite, les problèmes sont plus vastes que cela. Cette juridisation à l’extrême se traduira par une formalisation des relations de travail. Les managers deviendront plus prudents et devront enregistrer chaque débat, chaque conflit.

Il en résulterait en outre une crise de confiance. Les managers et les professionnels des ressources humaines savent pertinemment à quoi mènerait une telle constitution de dossiers : une confiance émoussée et des relations de travail compliquées. Comment instaurer la confiance dans un climat où la moindre parole prononcée – ou tue – pourrait un jour être utilisée contre l’une ou l’autre partie ?

Ajoutons que la Belgique satisfait déjà à toutes les règles en matière de protection contre le licenciement. Nous sommes un des pays dans lesquels la protection des travailleurs est la plus étendue. Avec à la clé des conséquences positives, mais aussi négatives. Dont une paralysie du marché du travail. Les gens restent vissés à leur emploi, même s’ils auraient intérêt à en changer.

Enfin, la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée reste un défi de taille. Il est de plus en plus difficile de tout organiser. À force de congés thématiques, travail à temps partiel, télétravail et autres formules, les équipes ne sont plus jamais réunies. L’employeur a le droit de s'organiser et d'émettre certaines exigences.

Placer ces discussions normales dans un cadre toujours plus juridique revient à les rendre plus complexes qu’autre chose.

Quel problème résout-on dès lors ?

Soyons clairs. Aucun manager ni professionnel des RH ne licencie pour le plaisir. Il faut toujours une bonne raison, défendable de surcroît. Les chiffres démontrent d’ailleurs que le nombre de départs provoqués par l’employeur est faible en Belgique. Cette protection croissante ne résoudra dès lors aucun problème, mais ne fera qu’en créer de nouveaux.

Il est temps que les politiques prennent la mesure de ce qui se passe réellement sur le terrain. Le besoin irrépressible de légaliser et de maximaliser la protection contre le licenciement ne fait que complexifier ces bonnes pratiques.

Ceci est donc un appel à enrayer cette prolifération de protections contre le licenciement. C’est aussi et surtout un plaidoyer pour tendre vers une normalisation des relations de travail et éviter la juridisation à tous crins.

 

Luc De Bodt, Frédéric Demars, David Ducheyne, Yves Hebb, Bart Lambrechts, Inez Senecaut, Bart Van Bambost, Wouter Van Linden.

Les auteurs sont membre du Soundboard de hrpro.be 

 

 

 

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